Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/76

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour cette réforme. Mater nutrix devint le plus beau symbole de la maternité. La mode s’en mêla. On inventa une forme de robe qui était comme le costume de cette noble fonction. Elle s’exerçait dans les lieux publics ; la nudité même était un emblème de pureté. Mais le fait curieux, c’est que personne, pas même Rousseau, ne prévit les conséquences de cette innovation. En apparence, il n’y avait là qu’une habitude des classes d’en bas, adoptée par les classes d’en haut. Rousseau, ce semble, avait simplement dit aux femmes de noblesse et de haute bourgeoisie : Faites ce que font les femmes du peuple et de la bourgeoisie de province. En réalité, ce n’était pas moins que la réforme complète de la vieille famille aristocratique.

Jusque-là, dans les familles riches ou nobles, l’enfant, séparé de ses parents dès sa naissance, envoyé au loin, confié à des mains mercenaires, comptait à peine dans la maison paternelle. A la voix de Rousseau, le nouveau-né y rentra, suspendu au sein de sa mère, et ce petit hôte de plus renouvela tout autour de lui. Il devint le but de toutes les pensées, le point central de toutes les existences. Son premier regard, son premier sourire, sa première