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immenses et toujours verts, comme le cèdre, dont les racines ne poussent pas de rejetons.

Tout autre nous apparaît J.J. Rousseau.

Son influence, énorme sur son temps, reste considérable aujourd’hui. On retrouve sa trace partout. Il est mêlé à tout ce qui nous touche. Lui aussi, je le comparerais à un arbre, mais à un arbre à racines traçantes ; les peupliers, les acacias, projettent, à 200 ou 300 mètres de leur tronc, des rejetons qui surgissent tout à coup au milieu des gazons et des champs ; c’est ainsi que les idées de Rousseau se font jour, à deux cents ans de distance, dans nos mœurs et dans nos lois.

Étudier ce phénomène, c’est-à-dire mettre, à côté de ce que fut Jean-Jacques au XVIIIe siècle, ce qu’il est encore aujourd’hui, tel est l’objet de notre travail. Qu’on ne s’attende ni à une apologie, ni à un réquisitoire. Selon moi, aucune plume n’a peut-être fait autant de bien et autant de mal que la sienne. Je dirai le mal comme le bien ? Peut-être y suis-je mieux préparé qu’un autre, car j’ai passé, pour lui, par les états d’esprit les plus différents. Dans ma jeunesse, il m’a inspiré une admiration passionnée ; dans mon âge mûr, j’ai senti pour lui une sorte de répulsion si vive, que j’ai