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rôle, à la lueur des paroles du père Dupont, d’y chercher la trace de Molé, et, à mesure que j’avançai dans ma lecture, le rôle se transforma pour moi ; je compris mieux les paroles du vieil acteur. Remarquez, en effet, que non seulement ces femmes l’aiment toutes trois, mais toutes trois veulent l’épouser. L’épouser, c’est-à-dire vivre avec lui, être en commerce perpétuel avec lui, tous les jours, à tous les instants. Il avait donc un charme ! Car enfin, on n’épouse pas par choix un homme morose ! On ne va pas chercher pour mari un prêcheur ennuyeux et bougon ! On ne prend pas le nom d’un homme ridicule ! Ce serait se ridiculiser soi-même !… C’est qu’Alceste n’est pas ridicule, il est comique : chose fort différente ! On ne rit pas de lui, on rit de ce qu’il dit, et on l’aime en en riant, parce que ce qu’il dit est imprévu, singulier, amusant par son exagération même. Ses boutades à Philinte, ses rebuffades à Arsinoë, ont je ne sais quelle verve originale, qui emporte le rire, et je ne sais quelle spontanéité qui attache. J’insiste sur le mot spontanéité. Car, ne l’oublions pas, Alceste est un naïf. Il songe si peu à poser qu’il ne se doute pas que ce qu’il dit puisse faire rire.