de ce principe, les artistes qui ont joué le rôle de Sévère ont interprété cette apologie du christianisme en raisonneurs, en moralistes, en hommes d’État. Sont-ils dans le vrai ? Je ne le crois pas. Talma, qui a laissé dans le rôle de Sévère un si grand souvenir, lui donnait-il ce caractère philosophique ? Je ne le crois pas. Est-il possible qu’un poète comme Corneille ait interrompu le grand mouvement de passion de cet acte, pour le terminer par un hors-d’œuvre de rhétorique ? Je ne le crois pas. D’ailleurs, les vers sont là pour nous convaincre. Qu’on relise cette énumération entraînante des vertus chrétiennes ; qu’on se répète un à un, tout haut, ces hémistiches vibrants, haletants, se pressant l’un sur l’autre :
Enfin chez les chrétiens, les mœurs sont innocentes,
Les vices détestés, les vertus florissantes ;
Jamais un adultère, un traître, un assassin !
Jamais d’ivrognerie et jamais de larcin !
Chacun d’eux chérit l’autre et le secourt en frère.
Est-ce là, je le demande, le langage du simple bon sens et de la pure humanité ? Ne sent-on pas qu’une puissance invisible le pousse ?
Ils font des vœux pour nous qui les persécutons ;
Et, depuis tant de temps que nous les tourmentons,