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Si vous n’êtes pas tel que j’ose l’espérer,
Pour vous priser encor, je le veux ignorer.


Voltaire n’a pas craint d’écrire, dans son commentaire, que les Grecs étaient de froids déclamateurs, en comparaison de cet endroit de Polyeucte.

Sans aller aussi loin que Voltaire, on peut dire que le rôle de Pauline est d’une nouveauté, d’une beauté, sinon sans égale, du moins sans exemple.

Je m’explique.

Certes, le fait capital de sa scène avec Polyeucte est le changement de son affection conjugale en passion. Mais ce changement lui-même, d’où vient-il ? De la transfiguration de Polyeucte en héros de la foi. C’est le rayonnement de la foi sur son visage, l’enthousiasme de la foi dans ses paroles, la beauté nouvelle dont la foi l’a revêtu, qui ont subjugué Pauline. C’est le chrétien qu’elle adore en lui. De là, dans le fond de son cœur, au milieu de ses désespoirs qui vont jusqu’au blasphème, je ne sais quel respect ému et étonné pour cette religion qui produit de tels miracles. Sans qu’elle s’en doute, la foi chrétienne la gagne… l’attire… Aller à elle, n’est-ce pas aller à lui ? Elle tente bien encore de le lui disputer en