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A ce mot, la scène change comme au début de l’acte ; mais cette fois ce n’est pas un nouveau Polyeucte, c’est une nouvelle Pauline qui se lève devant nous. Sans transition, sans préparation, elle passe des prières émues et touchantes aux reproches amers et violents. De ses lèvres, de son âme, jaillit un flot tumultueux de passion. Ce n’est plus une épouse, c’est une amante ! Une amante éperdue d’amour et de jalousie !… Elle est jalouse de Dieu !… Elle maudit cette religion qui lui arrache celui qu’elle aime !…

Que s’est-il donc passé en elle ? Qu’est-il donc arrivé depuis qu’elle est entrée ? Rien de plus simple. Un Polyeucte qu’elle ne connaissait pas, lui est apparu ! A mesure qu’il a parlé, il a grandi ! et à mesure qu’il a grandi, il l’a transformée en se transformant. Un sentiment inconnu est entré en elle ! A sa tendresse conjugale, a succédé l’admiration, l’adoration, l’amour. Polyeucte, troublé par cette explosion de sentiments inattendus, ne peut retenir ses larmes… « Il s’émeut !… » s’écrie-t-elle, « je vois couler ses larmes !… » et alors s’engage entre eux, c’est-à-dire entre l’amour divin et l’amour humain, une lutte saisissante. Il veut l’entraîner vers le ciel, elle veut le retenir sur