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La nature envers vous me semble bien injuste.


Cette alliance hypocrite de la satisfaction de soi-même et de la sollicitude apparente pour autrui, de l’insolence et de la sympathie, ne constitue-t-elle pas un personnage tout à fait original ? D’autant plus que le chêne est à moitié de bonne foi, il ne fait pas seulement semblant de plaindre le roseau, il croit le plaindre. Sa vanité y trouve son compte. En se disant : Comme je suis grand ! il ajoute tout bas : Comme je suis bon ! Et comme c’est bien à moi d’être si bon étant aussi grand ! On croit lire du Molière. Votre compassion, lui répondit l’arbuste,

 
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci :
Les vents me sont moins qu’à vous redoutables ;
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin.


Est-ce assez narquois ? assez gouailleur ? Est-ce qu’on ne croit pas le voir, ce paysan finaud, qui fait semblant d’être dupe de son seigneur ? Ce mot :

 
Part d’un bon naturel.


Et cette façon de rassurer le chêne :

 
Mais quittez ce souci.