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la tête ;
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d’arrêter les rayons du soleil,
Brave l’effort de la tempête.
Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr.
Encor si vous naissiez à l’abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n’auriez pas tant à souffrir ;
Je vous défendrais de l’orage :
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.


Je ne connais pas au théâtre un seul portrait du Vaniteux, aussi complet que celui-ci. La Fontaine en fait sa création propre, tant il l’individualise.

Il ne se borne pas à nous le montrer, éclatant sa puissance aux yeux d’un chétif, l’écrasant par la comparaison, faisant entrer le pauvre diable dans tous les détails de sa misère, de façon à faire ressortir ainsi plus pleinement sa propre puissance par le contraste. Non ! il y ajoute un trait de plus, qui est un trait de génie, la compassion. Relisez les cinq premiers vers. Quel bonhomme ! quel brave homme ! comme il est ému du sort de ce misérable ! comme il se penche sympathiquement vers lui ! Puis, tout à coup, au sixième vers, l’orgueilleux relève la tête.

 
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content…


Quatre vers de vanité… Puis… quatre vers de compassion :

 
Encor si vous naissiez à l’abri du feuillage


relevés par une petite note d’orgueil :

 
Dont je couvre le voisinage,


Et terminés par ce mot qu’on dirait parti du cœur :