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étrange livre, admirable comme forme, et presque puéril comme fond ; parti à la fois d’un génie immense et d’un esprit étroit, le Discours sur l’histoire universelle. Faire tourner les nations du monde et les âges innombrables de l’Univers autour d’une petite peuplade de Judée est certainement une conception aussi fausse que mesquine. Mais il en sort des pages si merveilleuses ; le style y est d’une telle magnificence ; les tableaux grandioses, les considérations profondes, les portraits de souverains, les portraits de grands hommes et de grands peuples s’y succèdent avec une telle profusion, qu’en lisant ce livre on se croit transporté dans un temple de Thèbes ou de Memphis. Quelques parties seules y restent debout, on s’y promène au milieu des ruines, mais ces ruines sont autant de monuments. Rien de plus immortel que ce livre à moitié frappé de mort.

Viennent ensuite trois ouvrages d’autant plus originaux que leurs auteurs ne sont pas des écrivains de profession. Retz, Saint-Simon, le chevalier de Grammont. Tous trois écrivent de génie, en amateurs, en grands seigneurs ; et, libres ainsi de toute convention, ils nous offrent trois types accomplis et absolument dissemblables de cette prose du XVIIe siècle, qui n’a d’égale, je