Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/351

Cette page n’a pas encore été corrigée

Clèves. Récit charmant, exquis, d’une grâce de forme délicieuse, mais où l’aimable auteur a quelque peu faussé son sujet, en prêtant aux chevaliers du XVIe siècle la délicatesse raffinée de sentiments et de langage des grands seigneurs de la cour de Louis XIV.

Au XVIIIe siècle, l’horizon s’élargit, le Roman prend une importance réelle. Gil Blas, les Romans de Voltaires, les Contes de Diderot, la Nouvelle Héloïse, Manon Lescaut, et cet admirable et abominable livre qui s’appelle les Liaisons dangereuses sont autant d’ouvrages originaux et durables. Malheureusement, ils sont tous marqués de la même tare. Tous, ils se meuvent dans un monde inférieur et malsain. Le Sage ne nous montre que des coquins ; l’abbé Prévost et Laclos que des coquines. La sentimentalité de Rousseau est mêlée partout de je ne sais quel manque de délicatesse qui touche à la grossièreté, et Diderot en a plus dit que je n’en saurais dire en un seul mot : Rien de plus doux que les faveurs d’une honnête femme ! Pas un souffle d’air pur dans tout cela.

Mais, vers les dernières années du siècle finissant, c’est-à-dire à l’aube du siècle qui va naître, (le XIXe siècle commence en 89), paraît tout à coup un Roman qui n’est pas moins