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et la conduisent à un vers final, plein, sonore, solide, sur lequel la phrase tout entière pose et se repose.

Du reste, voici trois preuves décisives de la solidité de sa facture. Depuis plus de soixante ans, le style de Victor Hugo règne dans le domaine poétique. Il a retrempé le vers français, amolli par Voltaire. Depuis plus de soixante ans, il n’a pas paru une seule belle œuvre de poésie qui ne porte sa marque de fabrique. C’est un ouvrier comme il n’y en eut jamais. Ceux même qui le critiquent l’imitent.

Enfin, dernier argument, le style de Victor Hugo est devenu, de révolutionnaire, réactionnaire.

Une école nouvelle de jeunes poètes s’est produite qui, sous le nom bien mérité de décadents, s’attaque avec acharnement à notre vieil alexandrin ; ils le démembrent, ils le dissolvent, ils le dépenaillent. Leconte de Lisle m’a dit un jour à l’Académie, en se prenant la tête avec désespoir : « Ces gens-là me rendront fou ». Eh bien ! qui nous défend contre cette invasion de barbares ? Le style de Victor Hugo et son groupe de fidèles. Voilà le roc contre lequel viennent se briser toutes ces folles vagues qui ne sont qu’écume ! Avouons-