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ses audaces ; il est parti du même principe, il use du même droit, et l’on peut dire que, sur ce point, il se rattache au XVIIe siècle, par La Fontaine.

Faisons un pas de plus ; serrons de plus près cette dernière question, décisive dans notre étude : le style de Victor Hugo.

Il y a deux choses très différentes dans une phrase poétique : les vers et la phrase ; la facture des uns et la structure de l’autre ; le mécanisme intérieur de la période et la marche de la période elle-même. On peut être capable d’écrire des vers très brillants et ne pas savoir former, d’un groupe d’alexandrins, un tout harmonieux et solide. C’est là un talent très particulier, très rare, un talent architectural. Racine en poésie, Bossuet en prose, sont des architectes incomparables. Eh bien ! je ne crains pas, sur ce point, de prononcer le nom de Victor Hugo à côté de ces deux grands noms. J’en appelle à tous les juges compétents. Aucun poète ne gouverne une période poétique d’une main plus sûre et plus magistrale. Si longue qu’elle soit, il la soutient toujours. Semble-t-elle fléchir ? un tour inattendu, une incidence adroitement suspensive, une rime éclatante la relèvent, comme une agrafe les plis d’un manteau,