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l’action même. Eh bien ! toutes ses qualités d’homme de théâtre, il les transporte dans la poésie pure. La Légende des siècles est une suite de petits drames. Dans les Châtiments, les scènes, les dialogues se mêlent sans cesse aux dithyrambes et aux iambes. Pas un de ses recueils, où à chaque instant l’élégie, l’ode, le poème, ne ressemblent à un cinquième acte. Qu’on se rappelle le Revenant, la Nuit du 4 Décembre, les Pauvres Gens, l’Expiation et tant d’autres que je pourrais citer et qui nous montrent, dans Victor Hugo, le créateur d’un genre nouveau de poésie, le lyrisme dramatique.

Abordons enfin la seconde question et la plus délicate. Parlons du style.

Des juges compétents accusent Victor Hugo d’avoir brisé le rythme et l’harmonie du vers français. On lui reproche ses enjambements, ses rejets, son mépris de la césure, et des vulgarités de langage que ne se permettent jamais nos maîtres.

Est-ce juste ? je ne le crois pas. Ma raison est bien simple. Dans toutes ses audaces de prosodie et de terminologie, il a un prédécesseur qui le couvre, se semble : c’est La Fontaine. La Fontaine, bien avant lui, s’est servi partout du mot propre. Il a dit cochon avant