Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/342

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le nuage éclatant qui le cache à nos yeux
Conserve en sillons d’or sa trace dans les cieux,
Et d’un rayon de pourpre inonde l’étendue.
Comme une lampe d’or dans l’azur suspendue,
La lune se balance au bord de l’horizon.
Ses rayons affaiblis dorment sur le gazon,
Et le voile des nuits sur les monts se déplie.
C’est l’heure où la nature, un moment recueillie
Entre la nuit qui tombe et le jour qui s’enfuit,
S’élève au créateur du jour et de la nuit,
Et semble offrir à Dieu, dans son brillant langage,
De la création le magnifique hommage.


Je ne doute pas que cette incomparable harmonie, ces images qui sont à la fois des sons et des couleurs ; ces expressions de génie qui rappellent l’amica silentia lunæ de Virgile :

 
Ses rayons affaiblis dorment sur le gazon,


n’eussent transporté Boileau d’enthousiasme et qu’il n’eût dit, comme M. de Talleyrand : « Un poète nous est né ». Disons donc sans crainte : c’est un classique.

En peut-on dire autant de Victor Hugo ?

Novateur ? Créateur ? Personne ne le fut plus que lui. Avant lui, la poésie lyrique, même chez les poètes de la Renaissance, n’occupait dans notre domaine littéraire que la place d’une principauté. Il en a fait un empire. C’est