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point, affirmativement ; mais l’affirmation ne suffit pas, il y faut la démonstration.


On raconte qu’au moment où parurent les Méditations, M. de Talleyrand qui était, on le sait, un dilettante littéraire, passa une partie de la nuit à les lire, et, au matin, il écrivit à la duchesse de Duras : Un poète nous est né. Poète, ποιητὴς, créateur. Ce mot dit tout. Qu’avait donc créé Lamartine ? Une forme poétique absolument nouvelle de l’amour : L’amour dans la foi.

Sans doute, la Divine Comédie nous offre dans les figures de Béatrix et de Dante, l’alliance de l’amour humain et de l’amour divin. Mais l’amour de Dante est plutôt un culte qu’une passion. Béatrix est plutôt un guide qu’une amante. Rien de terrestre ni dans leurs paroles, ni dans leurs actions ; tout s’y passe en plein ciel. Chez Lamartine, au contraire, c’est au sein de notre pauvre humanité, au milieu des plus humbles circonstances de notre vie de tous les jours, c’est au bord d’un lac, c’est au chevet d’une mourante, c’est dans un humble presbytère de campagne que le poète déroule devant nous, avec toutes ses angoisses, avec toutes ses grandeurs, l’union de la foi et de l’amour.