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puissance dramatique de son père, toute la combativité de son grand-père et toute sa force personnelle de logicien, de dialecticien, de penseur ; c’est un remueur d’idées, parfois paradoxal, chimérique, mais toujours intéressant parce qu’il est sincère, et passionnant parce qu’il est passionné.

En veut-on la preuve ? Que l’on compare les Fourchambault d’Émile Augier et le Fils naturel. C’est le même sujet, les mêmes personnages, la même situation : une fille séduite abandonnée ; un fils élevé par la mère seule ; un séducteur marié, qui est ruiné par sa femme et sauvé par le fils qu’il a renié. Seulement, dans la pièce d’Émile Augier, tout est touchant, intéressant, habile, amusant. L’œuvre de Dumas est plus forte, plus puissante, mais amère et pénible. Pourquoi ? Parce qu’Augier n’a cherché, dans les Fourchambault, qu’une œuvre d’art, tandis que Dumas a poursuivi, avant tout, le châtiment d’une grande lâcheté ; le Fils naturel est un réquisitoire ! Dumas envoie devant les assises de la conscience publique le séducteur qui a abandonné son fils ! Il l’abaisse devant son fils ! Il le punit par la générosité de son fils ! Il l’exécute ! C’est un justicier.