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de droite à gauche, mélancolique… Mélancolique un œil qui s’appelle Dumas ! et bleu ! c’est un intrus dans la maison, c’est un œil du Nord, c’est un œil slave ! Soit ! Mais que vient-il faire là, cet œil slave, troublé, troublant, chargé de toutes les brumes du Nord ? Que signifie-t-il, sinon qu’un flot de sang nouveau est entré dans ce sang tropical ? Suivons-le donc à la trace, comme on s’amuse à suivre, à la sortie de Lyon, l’eau jaunâtre de la Saône se mêlant à l’eau verte du Rhône, et voyons ce qui va résulter de ce mélange.

Quand on compare l’auteur des Mousquetaires à l’auteur du Demi-Monde, on reste stupéfait. Jamais un père et un fils n’ont été si pareils et si dissemblables. Ils suivent la même carrière l’un et l’autre ; ils ont autant de talent dramatique l’un que l’autre ; autant d’esprit l’un que l’autre ; autant d’audace et d’initiative l’un que l’autre ; mais ce n’est ni le même esprit, ni la même audace, et ils marchent par deux chemins absolument différents vers le même but. Le père est un spontané, un instinctif, un improvisateur ; le fils, un réfléchi, un patient, un méditatif. Le génie du père ressemble à un torrent qui coule à pleins bords et même par-dessus bords. Le talent du