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de la place immense qu’occupent aujourd’hui les enfants dans notre vie ! Comme ce petit berceau transporté de si loin, à travers tant de cours souveraines et tant de foules, en dit plus que toutes les dissertations du monde, sur le triomphe des sentiments naturels dans la famille d’aujourd’hui.

Un fait curieux, c’est que le grand-père du tzar actuel, Alexandre II, nous a donné un semblable exemple, il y a trente ans. En 1865, l’empereur de Russie traversa l’Europe entière pour aller embrasser une dernière fois son fils mourant, à Nice. Quel souverain, il y a un ou deux siècles, aurait eu un pareil désir ou aurait osé le satisfaire ? Il aurait cru manquer à sa dignité de roi et même de père. La hiérarchie réglait tout dans la famille, comme dans l’État. Partout l’étiquette commandait aux mouvements du cœur ou en dominait l’expression. Dans notre siècle, le cœur règne même sur le trône, et l’on a vue alors, dans Alexandre, le tzar s’effaçant devant le père.

Aujourd’hui son petit-fils a fait bien plus encore. Il n’a pas seulement contrevenu à tous les usages, il a osé braver les critiques, les moqueries contenues, voire même les reproches, en embarquant un enfant à la mamelle,