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délicieuse matinée d’avril ! et nous nous laissons aller au fil de l’eau, quand tout à coup M. Duruy, se retournant vers moi, me dit :

« Il me vient une idée ! Legouvé, il paraît que votre père lisait très bien les vers, et que vous tenez de lui.

― Du moins, repris-je en riant, voilà trente ans que je tâche.

― Eh bien ! si vous nous récitiez un beau morceau de poésie ? Personne ne vous entendra que nous. Les deux rives sont si éloignées, et, en face de ce joli paysage, dans cette solitude, ce sera charmant.

― Très volontiers, repris-je, à une condition, c’est que Gounod nous chantera quelque chose ; vous verrez comme il change !

― Bravo ! bravo ! reprit Duruy. Ah ! mon cher Gounod !...

― Je ne demande pas mieux, reprit Gounod.

― Eh bien ! commençons. »

Ce que je récitai, ce que chanta Gounod, je l’ai oublié. Mais ce que je n’oublierai jamais, c’est la figure de notre hôte ! Je vis là un Duruy que je ne connaissais pas ! Un enfant ! un ingénu ! un enthousiaste ! un poète ! Il débordait de joie et de reconnaissance. » Oh ! mes amis, que je vous remercie ! Vous me faites du bien !