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Je puis parler de cet épisode de sa vie ministérielle avec compétence, j’y ai été mêlé, et le fait est assez curieux pour mériter quelques détails.

M. Saint-Marc Girardin professait alors à la Sorbonne ; son succès rappelait ceux de Villemain, de Guizot et de Cousin ; mais il ambitionnait encore quelque chose de plus. Il rêvait un auditoire plus nombreux, plus mêlé, un auditoire populaire. Il me fit part de son projet, me demanda de m’y associer ; et, un jour, nous allâmes, lui et moi, trouver le ministre de l’Instruction publique, M. Duruy, et lui demander l’autorisation d’ouvrir, en plein faubourg, devant un public d’ouvriers, des conférences au profit des exilés polonais. Il nous fallait quelque hardiesse pour faire cette demande, mais il en fallait bien plus au ministre pour l’accueillir. Songez donc ! en 1864 ! quand toutes les plumes étaient muettes ! Un ministre, proposer à l’Empereur de nous rendre la liberté de la parole ! M. Duruy, qui était un vaillant homme et un sincère libéral, nous reçut à merveille, se montra sympathique à notre projet, mais sans nous en cacher les difficultés. « Que dirait le Conseil des ministres ? Que dirait l’Empereur ? Enfin, ajouta-t-il, j’essaierai.