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grandissait et portait pour ainsi dire des fruits inattendus ; c’était comme un germe vivant déposé en moi.

Enfin, quatrième qualité, une franchise complète. Il ne s’en départait vis-à-vis de personne. Il n’a jamais ni trompé, ni flatté. Si réelle que fût son admiration pour Lamartine ou Victor Hugo, il a toujours gardé envers eux son franc-parler quelque peu gouailleur. Sa gouaillerie était une de ses forces ; on craignait son esprit : rien de plus solide que l’ascendant où il entre un peu de crainte.

Mais c’est surtout vis-à-vis des jeunes gens que sa sincérité était vraiment admirable. Plus de raillerie ! Plus de détour spirituel ! Une loyauté toute cordiale, toute paternelle. En général, les hommes supérieurs, consultés par les jeunes gens, ne lisent pas un seul des vers qu’on leur envoie et s’en tirent en décernant à l’auteur un brevet de grand poète : affaire de placement ; ils sèment des admirations pour récolter des admirateurs. Béranger lisait toujours, répondait toujours, et mêlait toujours à la critique le conseil et l’encouragement.

Tel fut l’homme et tel fut le poète. Quelle est la conclusion naturelle de cette double étude ? C’est qu’il est impossible de laisser périr une