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pour les autres. C’était un frère quêteur laïque. Quand il ne pouvait plus donner, il faisait donner. Il mettait tous ses amis à contribution. Il courait tous les ministères, à pied, par la pluie, par la neige, afin d’obtenir une pension pour celui-ci, une place pour celui-là, un secours pour un troisième ; voire, pour quelque artiste méconnu, la croix d’honneur qu’il n’avait pas, lui, parce qu’il n’avait jamais voulu l’avoir. Venir en aide aux autres était chez lui plus qu’un devoir, plus qu’une vertu : c’était une passion.

La troisième cause de l’influence de Béranger était son merveilleux bon sens. Le conseil qu’il vous donnait n’était pas seulement le meilleur qu’on pût donner, mais le meilleur qu’on pût vous donner. Personne n’a si bien su mesurer un avis au caractère, à l’intelligence, à la position, aux ressources de celui à qui il parlait. Ajoutez le caractère particulier de sa conversation. Elle était plus que charmante, piquante, amusante, elle était féconde. Une causerie avec lui avait des lendemains délicieux. J’ai maintes fois remarqué que telle idée qui, jetée par Béranger au cours de l’entretien, m’avait simplement paru juste, faisait peu à peu son chemin dans mon esprit, s’y développait, y