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ses éternelles doléances d’homme gêné ; Lamennais ses troubles de conscience. « Restez prêtre, lui répétait-il sans cesse. C’est une partie de votre honneur. Quitter l’Église, pour vous, ce n’est pas abdiquer, c’est déserter. » Lamennais lui résista sur ce point, mais sans cesser d’avoir recours à ses conseils.

Comment expliquer une telle influence ?

Par quatre qualités morales de premier ordre. D’abord, un désintéressement absolu. Sa plume eût été bien facilement une plume d’or. Les offres tentantes ne lui ont pas manqué ; mais il ne voulait devoir à la poésie que l’aisance modeste qui assure l’indépendance : faire de l’art un commerce lui semblait indigne de l’art. Une pension viagère de sept mille francs, en échange de la propriété de ses œuvres qu’il abandonna à son éditeur, composait toute sa fortune ; et il trouvait moyen de rester généreux en était presque pauvre.

Puis son admirable bonté. Je n’ai pas connu d’âme plus compatissante. Il avait toutes les charités. Aumônier de son argent, aumônier de son temps, aumônier de ses démarches. Lui si indépendant, il se faisait l’esclave volontaire des besoins de tous. Lui qui n’avait jamais sollicité pour lui-même, il passait sa vie à solliciter