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VII

Béranger a été le grand conseiller de son temps. Les hommes les plus haut placés, Manuel, Benjamin Constant, Laffitte, Thiers, ne faisaient rien sans consulter Béranger.

A la révolution de Juillet, M. de Talleyrand témoigna le désir de s’entendre avec Béranger. Mais ils étaient vis-à-vis l’un de l’autre à l’état de puissances ; ils ressemblaient aux souverains que leur dignité empêche de se rendre visite. Béranger ne voulait pas aller à l’hôtel de la rue Saint-Florentin, où s’était faite la Restauration. M. de Talleyrand ne pouvait pas monter au troisième étage de Béranger. Ils se contentèrent de causer par intermédiaires. Ils échangèrent des notes diplomatiques.

Plus tard, Béranger eut pour amis trois des plus grands esprits du dix-neuvième siècle, Chateaubriand, Lamartine et Lamennais. Il connaissait et reconnaissait leur supériorité de génie, et cependant tous trois ont subi son ascendant ; tous trois l’ont pris, dans les circonstances les plus délicates de leur vie, pour confident, pour conseiller, pour arbitre, pour intermédiaire. C’est à lui que Lamartine venait confier ses rêves de spéculations financières ; Chateaubriand