Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/261

Cette page n’a pas encore été corrigée

rappelle les Pauvres Gens, de Victor Hugo ? Je leur préfère pourtant encore le Juif errant de Béranger. Le sujet est plus beau, la leçon est plus forte. Est-il un plus puissant appel à la secourabilité, que la peinture de ce misérable, condamné à un supplice éternel pour avoir refusé un verre d’eau au martyr du calvaire ?

La première strophe est un cri de douleur poignante et nous met au cœur du sujet :

 
Chrétien, au voyageur souffrant
Tends un verre d’eau sur ta porte :
Je suis, je suis le Juif errant
Qu’un tourbillon toujours emporte :
Sans vieillir, accablé de jours,
La fin du monde est mon seul rêve.
Chaque soir j’espère toujours ;
Mais toujours le soleil se lève.
Toujours, toujours,
Tourne la terre où moi je cours,
Toujours, toujours, toujours, toujours.


Vient alors le tableau de cette fuite éperdue, haletante, à travers le temps et l’espace. Pour punir le méchant, Dieu lui a infligé un châtiment étrange, il l’a rendu bon ! le malheureux s’attache à tout, et est arraché à tout. La maison, prête à l’accueillir, se dérobe sous ses pas. Il n’a pas le temps de serrer la main du pauvre à qui il fait sa modique aumône. Il rencontre