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Pauvre Femme, etc. C’est l’avènement des misérables et des travailleurs dans la haute poésie... D’autres l’ont suivi... avec quel éclat, vous le savez ! Mais aucun ne l’a dépassé, ni effacé. Parti le premier, il est resté au niveau de tous, parce qu’il est resté lui-même au milieu de tous. Les autres poètes ont chanté le peuple, mais ils n’en étaient pas. Béranger en était. C’est du peuple qu’il sortait, et il n’a jamais cessé d’être en relations intimes avec lui.

Je l’ai vu plus d’une fois, rue du Temple, dans sa très modeste salle à manger, avec sa houppelande de petit bourgeois du Marais, à côté de son poêle de fonte et déjeunant en compagnie de quelque artisan en veste de travail, ou d’une ouvrière au bonnet rond.

Si brillant que fût l’accueil qu’il recevait dans le monde, il ne s’y plaisait qu’à demi. « Tout y est faux, m’écrivait-il un jour, jusqu’au son de la voix. » Il revenait toujours aux humbles, aux travailleurs. Leur âme lui semblait plus simple, plus mâle, plus sincère, plus poétique. « Si la poésie est encore quelque part, a-t-il écrit, c’est parmi eux qu’il faut la chercher. » De là, quand il parle d’eux et de leurs douleurs, ou quand il les fait parler eux-