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ses fils répondent naïvement :

 
Dieu vous bénira, grand’mère,
Dieu vous bénira !


III

Pendant les deux derniers siècles, notre poésie lyrique a été éminemment aristocratique. De Ronsard à André Chénier, voire à Lamartine, elle n’a guère chanté que les passions, les douleurs, les grandeurs des élus de ce monde. Il fallait payer le cens pour entrer dans ses vers.

Une des gloires de la muse moderne est d’avoir appelé à elle tout ce qui est en bas, tout ce qui souffre, tout ce qui travaille, tout ce qui peine. Le génie s’est ainsi retrempé aux sources fécondes de la pitié et de la charité. Or, qui a ouvert cette voie nouvelle ? Qui, le premier, a fait descendre l’ode et l’élégie dramatique dans la rue ? Qui les a introduites dans l’atelier, dans le taudis, dans le galetas, dans l’hôpital, dans la hutte ? Béranger. La date, ici est précise et fait foi. Le dernier recueil de Béranger, publié par lui, est de 1833. Il contient huit chansons, qui sont toutes d’un ordre d’inspiration absolument nouveau : Jacques, Jeanne la Rousse, le Vagabond, le Contrebandier, la