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Vous l’avez encor, grand’mère !
Vous l’avez encor !...
― Le voici !


Comme cela est vivant ! Plus on relit ce petit poème, plus on admire sa nouveauté de pensée et de forme. Victor Hugo, voulant peindre dans les Orientales toute la grandeur tragique de l’empire et tout le prestige de l’empereur, nous le montre tour à tour aux Pyramides, à Marengo, au Kremlin, à l’île d’Elbe, à Sainte-Hélène. Il n’a pas trop de l’univers entier pour servir de cadre à cette grande figure. Béranger la circonscrit dans les quatre murailles d’une cabane et dans le cœur de quelques pauvres paysans, sans que les événements y perdent rien de leur grandeur, ni l’homme rien de sa puissance ! Peut-être même son ascendant sur les imaginations n’est-il nulle part aussi sensible, parce que nulle part son souvenir n’est aussi durable. L’histoire, le monde ont eu bien des enthousiasmes pour Napoléon ; mais le monde oublie, l’histoire juge ; tandis que le peuple, lui, se souvient et ne juge pas ! Il pardonne les fautes, les crimes, voire le mal qui lui a été fait, et quand la vieille femme dit qu’à la mort de l’empereur

 
Sa douleur fut bien amère !