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C’était dans les derniers jours de la campagne de 1814 :

 
Un soir, tout comme aujourd’hui,
J’entends frapper à la porte ;
J’ouvre : bon Dieu ! C’était lui !
Suivi d’une faible escorte :
Il s’assoit où le voilà ;
S’écriant : « Oh ! quelle guerre !
Oh ! quelle guerre ! »
― Il s’est assis là, grand’mère,
Il s’est assis là !


A cette tragique apparition succède tout à coup la vulgarité de la vie réelle :

 
« J’ai faim ; » dit-il, et bien vite
Je sers piquette et pain bis ;
Puis il sèche ses habits ;
Même à dormir le feu l’invite.
Au réveil, voyant mes pleurs,
Il me dit : « Bonne espérance !
Je cours de tous ses malheurs
Sous Paris venger la France. »


Ce réveil héroïque, ce cri de victoire à côté de ce pain bis et de cette piquette, complètent le tableau qui se termine par un merveilleux effet de mise en scène.

 
Il part, et, comme un trésor,
J’ai depuis gardé son verre,
Gardé son verre.