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Après nos désastres, nos victoires.

On peut haïr Napoléon, on peut flétrir Napoléon, on peut maudire Napoléon, on peut même, comme les hommes de ma génération, le maudire après l’avoir admiré, mais on ne peut pas nier que ses victoires n’aient été les nôtres, qu’il n’ait accru notre patrimoine de gloire. De là vient sa place immense dans la poésie lyrique au XIXe siècle. Il est impossible de parler d’elle sans parler de lui. A ne considérer Napoléon que comme sujet de vers, il n’en a jamais existé de plus beau ? Grâce à lui, l’histoire de France a ressemblé, pendant quinze ans, à un poème épique. Il a électrisé le génie de tous les poètes qui l’ont chanté, et ils l’ont tous chanté. Il a inspiré des chefs-d’œuvre, même à ceux qui lui ont jeté l’anathème. L’Idole d’Auguste Barbier vaut l’Ode à la Colonne de Victor Hugo. Béranger n’a donc fait que suivre l’exemple de tous et il suffit de rappeler le Vieux drapeau, le Vieux Sergent, le Vieux Caporal, le Cinq Mai, et tant d’autres chansons appelées justement des odes, pour marquer la place de Béranger parmi tant de coryphées illustres ; mais il est une œuvre de lui, plus originale et plus personnelle encore, ce sont les Souvenirs du Peuple.