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ardente de polémiste lança invectives sur invectives contre le faux républicain, le faux poète, le faux bonhomme. Les royalistes, dont la haine pour Béranger n’avait jamais désarmé, se joignirent avec passion aux républicains. Puis vint le tour des penseurs. Renan, le défenseur de toutes les aristocraties, inventa la théorie du dédain transcendant contre cette poésie bourgeoise, et cribla de ses ironies acérées la conception mesquine qu’avait Béranger de Dieu et de l’amour. La gloire du chansonnier ne put résister à de telles attaques : on n’osa plus le citer, on cessa de le lire, on eut honte de le défendre ; la jeunesse se dégoûta de lui avec la même passion qu’elle s’en était jadis engouée, et enfin, au printemps dernier, un critique aussi éminent comme professeur et comme orateur que comme écrivain, M. F. Brunetière, faisant à la Sorbonne, devant un public d’élite, le tableau de la poésie lyrique au XIXe siècle, en exclut nettement Béranger : « Je ne vous parlerai pas de Béranger, dit-il, car ce n’est pas un poète, c’est un prosateur qui a mis quelquefois des rimes à sa prose. »

Cette exclusion est-elle juste ? Je ne le crois pas.

La génération qui nous a précédés et qui