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aux socialistes, sa réputation touchait à la renommée, quand sa mort, arrivée en août 1857, la porta jusqu’à la gloire. Dès le lendemain, s’éleva dans le public un hosanna général pour celui qu’on nommait le poète national. Pendant plusieurs semaines, les journaux furent pleins de vers de Béranger, de vers à Béranger, de mots de Béranger, de traits de Béranger ; je compris là ce que c’est qu’une apothéose.

Cinq mois plus tard, à la fin de décembre, M. Perrotin, éditeur et ami de Béranger, fit paraître un dernier volume d’œuvres inédites. Parmi ces chansons nouvelles, il s’en trouvait huit consacrées à Napoléon Ier. Jamais on ne vit dans l’opinion publique un pareil « tourbillon de revirement », comme dit Saint-Simon. Toute la presse républicaine se retourna avec violence contre celui qu’elle admirait la veille. La glorification du premier empire sembla une flatterie à l’adresse du second. En vain les amis du poète répétaient-ils que ces chansons remontaient à plus de dix ans, que Béranger était étranger à leur publication ; on ne voulut rien voir, rien entendre que ce fait : Napoléon Ier glorifié sous Napoléon III ! Pelletan se mit à la tête des assaillants. Sa plume