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qu’en octobre 1830 cette même proposition avait été repoussée dédaigneusement par un simple ordre du jour, en 1840 elle ne rencontra qu’une seule voix opposante. Il est vrai que cette voix était celle de Lamartine. Relu à cinquante ans de distance, son discours reste comme un des plus beaux monuments d’éloquence politique. Les anciens donnaient au poète le nom de vates, prophète ; Lamartine, ce jour-là, mérita ce beau nom. Son discours, mélange incomparable de grandeur, d’ironie, de tristesse, de déférence pour le génie et de haine pour le despotisme, se termine par cette péroraison : « Vous le voulez ! Ramenez ces restes ! Placez-les où vous voudrez, à Saint-Denis, sous la Colonne, aux Invalides, mais gravez sur le monument la seule inscription qui réponde à votre enthousiasme et à notre prudence : A Napoléon seul. »

Ce mot sublime fut à peine entendu, et le 10 décembre 1840 arrivaient à Paris, ramenés par un fils de roi, ces restes qu’on appelait des cendres, comme pour leur prêter je ne sais quel poétique prestige d’antiquité. Ceux qui ont vu cette journée ne l’oublieront jamais. Ce fut un second retour de l’île d’Elbe. On eût dit un monarque rentrant en triomphe dans sa