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celui qui amenait un tel mot sous une telle plume, et au début d’une telle vie. Mais bien plus extraordinaire encore est l’influence de cette petite île sur cette destinée. Sainte-Hélène compte autant dans la carrière de Napoléon que Marengo ou Austerlitz : elle a autant fait pour sa gloire. C’est Sainte-Hélène qui, effaçant son despotisme sous ses tortures, l’a changé, lui, en martyr et ses ennemis en bourreaux ! C’est à Sainte-Hélène qu’il est devenu, pour les poètes Prométhée sur son rocher, le Christ sur son calvaire, Jeanne d’Arc sur son bûcher ! C’est Sainte-Hélène qui a fait de lui le plus admirable sujet d’inspiration lyrique, et a groupé autour de son nom, comme autant de coryphées, les voix immortelles de toute l’Europe : lord Byron, Manzoni, Pœtefi, Victor Hugo, Béranger, Casimir Delavigne. Enfin, c’est de Sainte-Hélène qu’est parti ce livre qui fit une véritable révolution en France, le Mémorial. Il faut avoir vécu dans ce temps-là pour se rendre compte de l’effet produit pas ces volumes. On eût dit une résurrection. C’était lui-même qui apparaissait dans ces pages. C’était sa voix qu’on entendait. Autant de paroles, autant d’oracles. Du haut de son rocher, il distribuait des récompenses, il rendait des jugements. Un