Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/194

Cette page n’a pas encore été corrigée

écorce, les deux sèves, se mêlant, finissent par se fondre en un fruit exquis.

Quant à Racine, Boileau ne se vantait-il pas de lui avoir appris à faire difficilement des vers faciles ?

L’exemple de La Fontaine est plus décisif encore. C’est lui qui nous apprend ingénument, dans son épître à l’évêque d’Avranches, qu’il a failli faire fausse route, que l’étude des anciens l’a remis dans sa véritable voie, et il dit dans un vers charmant :

 
Je tâche à rendre mien cet air d’antiquité.


Autre témoignage plus significatif encore dans une fable dédiée au duc de Bourgogne :

 
Je fabrique à force de temps
Des vers moins sensés que sa prose.


Je fabrique !... La Fontaine obligé de se forger son instrument ! Eh bien, Voltaire n’a pas su faire ce qu’ont fait La Fontaine et André Chénier. Il était né grand prosateur et grand poète, mais versificateur incomplet, et il n’a pas su se compléter. Il avait le génie, il n’a pas su se donner le talent.

Quand on étudie son théâtre attentivement, on reste stupéfait, je dirai presque épouvanté des disparates qui éclatent même dans ses