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vouloir rien entendre, il court s’enfermer dans son appartement.

Stupéfait... blessé... désespéré... Lekain veut partir dès le lendemain. Mais il demande d’abord à Voltaire un moment d’entretien. ― « Qu’il vienne s’il veut, » répond le poète froidement. » Je laisse ici la parole à Lekain.

« J’entre, écrit-il à un ami. Nous étions seuls. Je lui annonce mon départ, en lui témoignant mon regret de ne l’avoir pas satisfait, et j’ajoute que j’aurais reçu ses conseils avec reconnaissance. Ces mots parurent le calmer, il prit son manuscrit et lut ; et, dès la première scène, je compris combien je m’étais trompé dans la manière dont j’avais conçu mon personnage. Je chercherais en vain à vous donner une idée de l’impression profonde qui se grava dans mon âme par le ton sublime, imposant et passionné avec lequel il peignit toutes les nuances de ce rôle si beau, mais si difficile. J’était muet d’admiration, il avait fini, et j’écoutais encore. Après quelques instants, il me dit d’une voix épuisée de fatigue : ― Êtes-vous bien pénétré, maintenant, mon ami, du véritable caractère de votre rôle ? ― Je le crois, monsieur, lui répondis-je, et, demain, vous pourrez en juger. »