Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/187

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui, resté en otage à Pékin, pendant trois ans, s’est violemment épris d’elle, l’avait demandée en mariage, et qu’elle avait repoussé avec mépris ! Et, lui, il la revoit, mariée à un autre, mère de l’enfant d’un autre, le suppliant pour le fils d’un autre ! A cette vue, sa passion se réveille, furieuse, terrible, mêlée de jalousie et de vengeance !... C’est le barbare avec toute sa rage ! C’est Gengis-Khan avec toute sa puissance. Ne dirait-on pas un drame romantique ?

Ajoutons à cette situation admirable, que le poète en a tiré tout ce qu’elle contient... et, pourtant, ce n’est pas là qu’il faut chercher l’originalité de la pièce ; elle est dans le dénouement. Je n’en connais guère qui mérite mieux le nom de sublime ; on dirait du Corneille, mais avec une circonstance particulière qui en fait bien l’œuvre personnelle de Voltaire. C’est l’historien qui cette fois a inspiré le poète. C’est une page de l’ Essai sur les mœurs qui est devenue un dernier acte de tragédie. L’historien avait fait cette remarque profonde que la Chine, envahie tant de fois par les Tartares, avait fini deux fois par conquérir ses conquérants, et par les soumettre à ses lois et à ses mœurs. Eh bien, voilà le fait historique et philosophique, que le poète a eu le talent de