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tout fait frémir, pleurer et penser. Telle est la grandeur de ce rôle, que son nom est devenu un nom générique. Ce n’est plus un individu, c’est un type. On dit un Séide, comme on dit un Tartuffe. Voltaire n’eût-il créé que ce personnage, il serait un grand poète tragique.

1745. Mérope.

Corneille et Racine avaient créé, avant Voltaire, d’immortels rôles de mère. Cléopâtre dans Rodogune, Agrippine dans Britannicus, Clytemnestre dans Iphigénie nous montrent ce personnage sacré sous trois formes également tragiques. Cléopâtre et Agrippine sacrifient ou subordonnent l’amour maternel à l’ambition. Mais Clytemnestre a des cris de désespoir qui vont au cœur.

Voltaire fait un pas de plus dans Mérope. On connaît le sujet. Mérope poursuit dans Egysthe un jeune homme qu’elle croit le meurtrier de son fils ; elle réclame, comme un droit, le féroce plaisir de le frapper elle-même ; et, au moment où la hache va se lever sur ce jeune homme, elle reconnaît son fils dans la victime.

La situation est superbe. Voltaire, il est vrai, l’a empruntée à Maffei, mais il l’a faite sienne, et reste créateur en imitant. Tout, dans Mérope, porte l’empreinte de la main d’un maître. Ni