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un chef-d’œuvre incomparable. Pas un personnage, pas une scène qui ne tende à peindre et à démasquer l’imposteur.

En peut-on dire autant de Mahomet ? Non. Le rôle du prophète à des parties de véritable grandeur, mais le poète l’engage dans une intrigue d’amour sénile qui le défigure et l’amoindrit. La fable est intéressante et bien conduite, mais elle n’a qu’un rapport indirect avec la pensée générale. Elle pourrait servir ailleurs. L’histoire des enfants de Zopire perdus et retrouvés a été trop imitée depuis Voltaire pour qu’on lui en tienne compte. Le malheur de ces effets un peu artificiels, c’est que l’imitation les démarque si bien que le premier inventeur passe à l’état de plagiaire.

Heureusement pour Voltaire, le fanatisme comprend forcément deux personnages : le fanatiseur et le fanatisé. Mahomet est incomplet, soit, mais comme Séide le rachète ! Je ne sais pas dans notre théâtre de création plus originale et plus puissante. Le quatrième acte, qu’il remplit tout entier, est d’une beauté absolue. Le déchirement de cœur de ce malheureux, ses tremblements sous la main fascinatrice du prophète, ses révoltes en face du meurtre à commettre, ses larmes, ses désespoirs, sa faiblesse,