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Guzman est un Espagnol pétri d’orgueil, de cruauté, d’implacable et féroce jalousie. Assassiné par le Cacique Zamore, il redevient, en face de la mort prochaine, un chrétien sincère, clément, humain, et il meurt en disant à Zamore :

 
Des dieux que nous servons connais la différence :
Les tiens t’ont commandé le meurtre et la vengeance
Et le mien, quand ton bras vient de m’assassiner,
M’ordonne de te plaindre et de te pardonner.


La foi religieuse n’a inspiré ni à Corneille, ni à Racine d’accents plus sublimes que ces quatre vers si simples, et signés Voltaire.

1742. Mahomet.

Nous voici devant la conception dramatique la plus haute de Voltaire.

Mahomet n’est pas moins que le pendant de Tartuffe. Molière attaque l’hypocrisie ; Voltaire, le fanatisme. C’est une tragédie de caractère ; c’est une pièce fondée non sur un fait, mais sur une idée abstraite. Rien de plus difficile que ce genre d’ouvrage. Le poète doit y être à la fois créateur et démonstrateur. Il faut qu’il invente tout et qu’il prouve tout. Les situations les plus heureuses ne le sont qu’à demi, si elles ne concourent pas à mettre en lumière l’idée mère de la pièce. C’est ce qui fait de Tartuffe