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un moindre degré ; je ne m’y arrêterais donc pas, si je n’y trouvais un trait tout à fait particulier du génie tout moderne de Voltaire. Chose étrange ! Son imagination n’est pas de la même trempe, je dirais volontiers de la même race que son esprit et son caractère. Son caractère est souvent mesquin, son esprit moqueur, plein de parti pris, son imagination va parfois jusqu’au sublime. Elle a des coups d’ailes qui l’élèvent au-dessus de toutes les petites passions du monde, et le lancent en plein idéal.

Alzire nous en offre une preuve frappante. Personne n’a poursuivi la religion catholique de plus amers sarcasmes que Voltaire, et, en même temps, nul poète ne lui a dû de plus pathétiques inspirations. La première phrase de la préface d’Alzire est une sorte de profession de foi : « J’ai tenté, dit-il, dans cette tragédie toute d’invention, et d’une espèce assez neuve, de faire voir combien le véritable esprit religieux l’emporte sur les vertus de la Nature. »

Ne vous demandez-vous pas comme moi, en lisant ces paroles, si c’est bien Voltaire qui les a écrites ? Oui, c’est Voltaire, mais Voltaire poète ; et c’est encore son imagination poétique qui lui dicte au dénouement les derniers vers de Guzman.