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cite. Il fait plus que le citer, il le traduit. Une des scènes les plus audacieuses, les plus puissantes de Shakespeare, l’admirable troisième acte de Jules César, l’arrivée sur la scène du cadavre tout sanglant, le discours de Brutus, le discours d’Antoine, les cris de la foule, la versatilité effroyable du peuple, tout cela revît dans la traduction de Voltaire, avec une vérité, une vie, un enthousiasme incomparables.

Eh bien, je le demande, qu’ont donc fait de plus nos poètes de 1830 ?

Après Brutus, Zaïre, 1732. Zaïre fait passer Voltaire de la renommée à la gloire. Ce n’est pas un succès, c’est un triomphe. Tout est nouveau dans Zaïre. Nos maîtres dédiaient leurs tragédies à des princesses, à des princes, à des ministres tout-puissants, et l’hommage cachait bien souvent une requête. Voltaire inscrit, en tête de sa tragédie, le nom de M. Falkener, négociant, et à titre de négociant. Il marque nettement son intention.

« Je veux, dit-il, montrer à la France l’estime qu’on fait en Angleterre d’une profession qui est une des gloires de l’État. »

Cette audace fit scandale. On joua, à la Comédie-Italienne, une farce grossière où l’on insultait l’auteur de la dédicace et celui à qui elle