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peuple et un grand homme : la Liberté et Shakespeare. Son émotion tint du saisissement. La vue d’une nation se gouvernant elle-même le fit tressaillir d’enthousiasme. La tragédie de Brutus fut écrite sous cette inspiration.

« C’est vous, dit-il à Bolingbroke, à qui il dédia sa pièce, c’est vous et votre nation qui m’avez appris à donner aux vers de Brutus une force et une énergie qu’inspire seule la noble liberté de penser. Le sentiment de l’âme passe toujours dans le langage. Qui pense fortement écrit de même. »

Bien plus grande encore fut sur lui l’influence de Shakespeare. C’est Shakespeare qui lui dicta un programme dramatique, non moins hardi que la préface de Cromwell. Voltaire, dans cette préface qui est une dédicace, demande d’abord l’expulsion des petits maîtres de dessus la scène. Place pour les décors ! Place pour les personnages ! Place pour le peuple ! Place pour les ombres ! L’ombre du père d’Hamlet lui semble une hardiesse de génie. Il va plus loin. Il se pose nettement en adversaire de notre tradition classique, et réclame, comme principe de l’art théâtral, l’action. Il veut que partout l’action se substitue au récit, comme dans Shakespeare. Il fait plus que vanter le poète anglais, il le