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pensée ? L’envie ? Le regret ? Non. Une mâle joie. Il se sent plus heureux qu’eux, parce qu’il se sent supérieur à eux. Il ne dit pas à la douleur, comme le stoïcien : « Tu ne me feras pas convenir que tu sois un mal. » Il lui dit : « Tu es un bien ! » Il l’aime ! il l’aime comme on aime un ennemi redoutable, avec lequel on se réjouit de se mesurer et qu’on est fier de vaincre. Voilà un héroïsme de vaillance qui nous emmène bien loin encore du Vauvenargues de Voltaire. La campagne finie, il revient à Aix, perdu de santé, à demi ruiné et réduit à l’inaction, comme tous les officiers de noblesse. Heureusement, si son épée lui manque, sa plume lui reste, et il se jette ardemment dans une voie nouvelle.

Il recueille, il formule toutes les pensées qui l’avaient hanté pendant cette guerre, et ses pages manuscrites, propagées parmi la jeunesse d’Aix y jettent un tel mouvement d’idées, obtiennent un tel succès que son père, quelque peu enorgueilli de sa récente noblesse, s’en effarouche et s’en offense. Un marquis de Vauvenargues devenant un petit écrivailleur, c’est déroger ! Et il se met nettement en travers de la vocation littéraire de son fils. Par bonheur, vivait alors, à Aix, un autre