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Cette pauvreté pesa toujours sur Vauvenargues, dans son enfance, comme une gêne ; dans sa jeunesse, comme un obstacle ; à la fin de sa vie, comme un supplice. Le seul cri d’amer découragement qui sortît de cette bouche stoïque fut un anathème contre la pauvreté.

Son éducation n’offre qu’un trait particulier, mais bien digne de remarque. Il n’eut, en réalité, qu’un maître : Plutarque. La lecture de Plutarque ne fut pas seulement pour lui, comme pour Rousseau, un plaisir littéraire ou moral. Non. Il revivait toutes ces illustres vies. Lui-même, nous raconte, en termes passionnés, comment il passait des nuits entières à parler à Agésilas, à Alcibiade, à Thémistocle. Il se voyait sur la place publique, à Rome, haranguant le peuple avec les Gracques, ou défendant Caton, quand on lui jetait des pierres. Un jour, les lettres de Brutus à Cicéron lui étant tombées entre les mains : « Je fus si ému, dit-il, que je ne pouvais pas les achever. Je sortis comme un homme en fureur, pour faire plusieurs fois le tour d’une longue terrasse en courant de toutes mes forces, jusqu’à ce que ma lassitude finît par une sorte de convulsion !... »

Nous voilà déjà bien loin du jeune homme tranquille de Voltaire.