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Parlons d’abord du premier, du Vauvenargues de Voltaire.

Rien n’honore plus Voltaire que son amitié pour Vauvenargues. Cette amitié se mêlait d’un sentiment que l’auteur de Candide n’a guère connu, le respect. Voltaire avait cinquante ans, Vauvenargues en avait vingt-sept ; Voltaire était dans la pleine puissance de son génie et de sa gloire, Vauvenargues était un petit officier de province ; Voltaire était riche, Vauvenargues était pauvre ; Voltaire allait de pair avec les plus hautes puissances, Vauvenargues n’avait pas un seul protecteur. Un matin, arrive, par la poste, à l’illustre poète, au milieu d’un monceau de lettres de toutes sortes, un manuscrit signé d’un nom inconnu, et que ne lui recommandait aucune apostille importante. Il l’ouvre, il le lit, et à mesure qu’il avance dans cette lecture, je ne sais quel trouble le saisit. Du premier coup d’œil, il avait deviné un grand esprit... Mais peu à peu il se sent en face de quelque chose qui lui est supérieur à lui-même... une grande âme ! Alors, comme soudainement, éclate en lui une affection toute particulière, où s’allient à l’admiration la sollicitude d’un père et la déférence d’un fils. Il écrit à ce jeune homme, il parle à ce jeune