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semblable. Sans doute, on pourrait lui opposer le chœur des jeunes filles dans l’Iphigénie en Tauride, d’Euripide. Elle aussi, elles chantent, elles pleurent la patrie absente, mais Racine ajoute à ces plaintes un cri de terreur étouffé, qui en fait une élégie tragique.

Arrivons à Athalie.

Soyons sincères. Si célèbres que soient les chœurs d’Athalie, ils n’offrent ni la variété de rythmes, ni la splendeur d’images, ni la profondeur de pensées ou de sentiments des strophes d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide. L’imitateur reste partout au-dessous de ses modèles. Mais il y a, au troisième acte, une scène à la fois lyrique et musicale, où Racine s’élève aussi haut qu’eux, et peut-être plus haut : c’est la scène de la prophétie. Conception, composition, exécution, tout est absolument extraordinaire dans cette scène.

Les prédictions de la Cassandre d’Eschyle ne sont que quelques cris de terreur, jetés au milieu du drame. Ici la prophétie est le drame même ; Joad n’est pas seulement un grand prêtre ; c’est le défenseur d’une grande cause, c’est l’ouvrier d’une œuvre sainte. Il ne prépare