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au milieu d’un groupe de jeunes filles, nobles de cœur, d’esprit, de famille !... Il devient leur ami, leur maître : il écrit pour elles et travaille avec elles. Ces vers délicieux qu’il place dans leurs bouches, c’est lui qui leur apprend à les dire ; nul doute que la vue et la vie de ces jeunes filles n’aient eu leur part dans la conception si poétique et si nouvelle de ces chœurs. De quoi, en effet, se composent-ils ? Laissons parler Esther elle-même.

 
Cependant, mon amour pour notre maison
A rempli ce palais de filles de Sion,
Jeunes et tendres fleurs par le sort agitées,
Sous un ciel étranger comme moi transplantées.
Dans un lieu séparé de profanes témoins,
Je mets à les former mon étude et mes soins ;
C’est là que, fuyant l’orgueil du diadème,
Lasse de vains honneurs, et me cherchant moi-même,
Aux pieds de l’Éternel je viens m’humilier,
Et goûter le plaisir de me faire oublier.


Quel délicieux tableau ! Comme le souvenir de Mme de Maintenon y jette une jolie note maternelle ! Comme ces jeunes proscrites cachées dans le palais même de leur persécuteur mêlent l’émotion dramatique au charme de la poésie lyrique ! Il y a là une œuvre d’art d’une invention si exquise et si française, que le génie grec, qui l’a inspirée, n’en a jamais crée une