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et d’imprécations, de pensées de meurtre et de remords ! Puis, tout à coup, au milieu de la scène, son horreur d’elle-même prend une proportion gigantesque. Ce n’est plus une simple martyre humaine que nous avons sous les yeux, ce n’est plus une criminelle terrestre, c’est la descendante de Jupiter ! C’est la fille de Minos ! Les dieux sont là devant elle, elle tremble sous leurs regards ! Elle se débat sous leur arrêt ! sa terreur embrasse la terre, le ciel et les enfers :

 
Le Ciel, tout l’univers est plein de mes aïeux :
Où me cacher ? Fuyons dans la nuit infernale.
Mais que dis-je ? mon père y tient l’urne fatale :
Le sort, dit-on, l’a mise en ses sévères mains :
Minos juge aux enfers tous les pâles humains.
Ah ! combien frémira son ombre épouvantée,
Lorsqu’il verra sa fille à ses yeux présentée,
Contrainte d’avouer tant de forfaits divers,
Et des crimes peut-être inconnus aux enfers !


Osons le dire ! jamais la pauvre âme humaine n’a fait entendre des accents plus déchirants et plus grandioses. Jamais ne s’est produite, sur un théâtre, une figure plus pathétique et plus riche de contrastes, que cette créature à la fois antique et moderne, païenne et chrétienne, vivante et légendaire. Tout ce que Racine a emprunté à Euripide est resté sublime