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admirable tragédie française, en y introduisant les deux qualités maîtresses du génie dramatique français, la composition et la passion.

Le danger de mort qui menace le fils d’Andromaque est le même dans Euripide et dans Racine ; seulement cet enfant ne s’appelle pas Astyanax, mais Molossus. Il n’est pas le fils d’Hector, mais de Pyrrhus. Andromaque n’est plus la veuve du héros troyen ; c’est l’esclave et la concubine du héros grec. Hermione n’est plus une rivale jalouse, c’est une femme légitime ! Elle est irritée, non de l’abandon de son époux, mais des sortilèges de cette esclave, qui ont frappé son mariage de stérilité, et elle veut tuer l’enfant pour se venger de la mère.

Que fait Racine ? un simple changement de noms et de titres, et le drame se métamorphose. Andromaque redevient, ce qu’elle est dans toutes les tragédies, la veuve d’Hector ; son fils redevient Astyanax ; Hermione n’est plus qu’une fiancée ; de là naissent dans l’imagination du poète, l’amour de Pyrrhus, l’amour d’Oreste, la jalousie d’Hermione, la lutte dans le cœur d’Andromaque de la tendresse maternelle et de la fidélité conjugale, et c’est